L'enregistrement des guitares (1/3)

Photo © Sick Porky - Licence CC BY-NC-SA 2.0

Ah, c'est bon de te revoir ! Désolé de t'avoir laissé sans nouvelles pendant si longtemps, mais le temps m'a malheureusement manqué ces derniers mois... Promis, je tacherai d'être plus assidu à l'avenir et de moins te délaisser !

Pour redémarrer en douceur, je te propose de laisser momentanément l'électronique de côté, et de nous intéresser à un problème épineux, d'autant plus lorsqu'on doit faire avec les moyens du bord : l'enregistrement des guitares !

OK, mais pourquoi faire ?

Si tu joues en groupe, tu as forcément été confronté au problème suivant : tu trouves un riff de tueur, et il te faut maintenant le faire écouter aux autres. La solution est simple, tu l'enregistres avec ton téléphone, puis tu envoies ton mail, avec le commentaire classique : "Le son est un peu pourri par contre, mais en vrai ça rend vraiment bien !"

Ou alors, si tu fréquentes assidument les forums de guitaristes, il se sera forcément trouvé quelqu'un pour lâcher un "On veut des samples !" en réponse à une photo de ton précieux matos.

Ou encore, tu crées de formidables jouets pour tes amis gratteux (pédales, amplis, micros, etc...), et si tu veux espérer en vendre quelques-uns, il va bien falloir que tes clients potentiels puissent se faire une idée de leur son...

Bref, il y a plein de raisons valables pour avoir besoin de faire des prises de son de bonne qualité, et plein de solutions possibles, de la plus simple à la plus compliquée, de la plus abordable à la plus couteuse...

La base

En gros, enregistrer une guitare consiste à capter une source (la guitare elle-même ou l'ampli, le plus souvent) à l'aide d'un micro et à mettre tout ça sur une cass... Euh, un fichier audio !

Et là, tu peux entrevoir un 1er problème : un micro n'étant pas une oreille humaine, il ne captera pas exactement le son que toi, tu entends en jouant. Si on ajoute à ça le fait que chaque micro a sa courbe de réponse propre, tu comprendras vite qu'obtenir exactement le son que tu entends relève de l'utopie la plus totale !

Réponse en fréquence des micros Neumann U87 et Royer R121

Il sera bien sur possible de s'en approcher, mais il faut garder en tête que chaque élément de la chaine va colorer le son à sa façon. Il vaut donc mieux chercher à obtenir un son agréable, qui te plaise, plutôt qu'un son le plus fidèle possible.

J'ai une sortie ligne, pas besoin de micro !

C'est vrai ça ! Après tout, si un micro colore le son, pourquoi ne pas simplement s'en passer ? D'autant plus qu'on joue d'un instrument électrique, on devrait donc pouvoir récupérer le signal où ça nous intéresse et l'enregistrer directement, non ?

Eh bien non, justement ! Sinon, tu penses bien qu'on aurait depuis longtemps arrêté de s'emmerder avec la prise de son ! Malheureusement, une guitare branchée en direct, ça sonne le cul, tout comme un ampli d'ailleurs. La raison en est très simple : les haut-parleurs utilisés pour la guitare sont tout sauf de "bons" HP, et colorent eux aussi très fortement le son.

Réponse en fréquence du Celestion V30

Sur cette image, représentant la réponse en fréquence du célèbre Celestion Vintage 30, on voit très clairement :

Pour enregistrer un son de guitare électrique, on doit donc récupérer le signal une fois qu'il aura été "traité" par le HP. Ceci nécessite de réaliser une prise de son classique, avec un (ou plusieurs) micro judicieusement placé devant le HP, ou au minimum de bien simuler cette prise de son.

De la position du micro

Si j'ai parlé de micro "judicieusement placé" dans le paragraphe précédent, tu te doutes bien que ce n'est pas par hasard ! Parce que oui, la position du micro lui-même par rapport à la source sonore (le HP, quoi) a aussi une énooorme influence sur le son !

Le rendu dépendra donc à la fois :

Et comme une image vaut bien 1000 mots, voici 2 petites vidéos illustrant l'influence de ces paramètres :


Position latérale et angle du micro



Distance par rapport au HP

La recette miracle

Ne cherche pas, elle n'existe pas ! Une prise de son correcte, c'est avant tout un savant mélange entre le son de la gratte et de l'ampli, celui du HP et du micro utilisé pour l'enregistrement, et bien sur la position dudit micro.

Il faut donc expérimenter encore et toujours, afin de trouver le meilleur compromis pour une "chaine sonore" donnée. Avec l'expérience tu trouveras qu'un micro dans une certaine position fonctionne bien pour un type de son, mais que pour un autre son de guitare il vaudra mieux modifier la position du micro, voire carrément en utiliser un autre.

Bref, comme souvent dans le domaine de la musique, il faut prendre du temps, tester différentes choses même si elles paraissent stupides au premier abord (comme enregistrer un HP par l'arrière, par exemple), et sans cesse se remettre en question...

Le matos

Photo © Jason P. - Licence CC BY-NC-SA 2.0

Évidemment, pour faire de bonnes prises, il faut s'équiper un minimum. Il existe bien sur des solutions "tout analogique", mais comme aujourd'hui tout finit sous forme de fichier numérique, plus facile à partager (à quand remonte la dernière fois que tu as envoyé une K7 par la poste ?), on va passer directement aux solutions modernes.

Tout en un

La 1ère option qui s'offre à toi, c'est d'utiliser un enregistreur portable, à carte SD par exemple.

C'est LA solution économique par excellence ! En effet, pour une petite centaine d'euros, tu peux déjà avoir un outil tout à fait utilisable intégrant un couple de micros pour un enregistrement en stéréo.

Le Zoom H1, un des moins cher de sa catégorie

Il te suffit de placer l'enregistreur devant l'ampli comme tu le ferais pour un micro "normal" et de lancer l'enregistrement. Bien sur, il te faudra sans doute plusieurs essais pour trouver le bon placement, ce qui peut être fastidieux s'il faut toujours repasser par le PC pour écouter le résultat, mais on n'a rien sans rien, parait-il ;)

Avec un "vrai" micro

Là, on monte en gamme, et on va plutôt regarder du côté des enregistreurs multipistes, héritiers directs des fameux Tascam à K7 de ma jeunesse ! (Oui, je suis vieux)

Avec un ticket d'entrée autour de 250€ pour un Zoom R8 (sans compter le prix du micro), et largement au-dessus des 300€ pour le Zoom R16 ou le Boss BR-800, on ne joue bien sur plus dans la même cour !

Le Boss BR800, avec 4 entrées XLR dont 1 avec alimentation fantôme

Ces enregistreurs ont l'avantage de fournir des prises XLR pour y brancher les micros habituels, et intègrent même une alimentation fantôme permettant d'utiliser un statique. Le fait qu'ils soient multipistes permet également de travailler avec plusieurs micros pour une même prise de son, avec par exemple un dynamique en close-miking et un statique en micro d'ambiance. Chaque micro étant enregistré sur son propre fichier, tu pourras ainsi mixer les 2 pistes pour obtenir le meilleur son possible.

Le Zoom R16 et ses 8 entrées micro

Une petite note au sujet du Zoom R16 que j'affectionne particulièrement : avec ses 8 entrées, il permet aussi d'enregistrer un groupe complet avec un son plus qu'honorable, parfait pour garder une trace des répètes par exemple, ou même enregistrer une démo sans se ruiner ;)

Comme les grands

Enfin, il reste la solution de l'enregistrement directement sur le PC en utilisant un logiciel de type Digital Audio Workstation (DAW). Et là, entre les tenants du PC, les fanboys Apple, ceux qui ne jurent que par Cubase, les dingues de Pro Tools et les autres, ça devient vite le bordel !

Reprenons donc les bases ; pour faire de la MAO, il faut les éléments suivants :

La machine

Mac ou PC, c'est à toi de voir, l'important étant d'avoir une machine suffisamment récente pour faire tourner les softs actuels. Exit donc les vieux tromblons de 10 ans d'age, auxquels on préférera une machine post-2010 (à peu près).

Pour l'enregistrement d'une guitare seule, pas besoin d'énormément de puissance, par contre si tu envisages de travailler sur des projets plus conséquents (démo d'un groupe de rock par exemple), il vaut mieux réunir les conditions suivantes :

Le reste (carte graphique, réseau etc...) n'a pas une grande importance pour la musique, donc pas la peine de faire des frais si tu n'en as pas besoin par ailleurs.

L'interface audio

Le choix ici est le plus compliqué, puisqu'on trouve de tout et à tous les prix : de 50€ pour une interface low-cost avec 1 entrée micro, jusqu'à plusieurs milliers d'euros quand on va chercher le très haut de gamme. Mais évidemment, le segment 100-500€ est le plus peuplé, avec quantité d'interfaces toutes les plus intéressantes les unes que les autres.

Mon 1er conseil est de ne s'occuper que des interfaces USB : aujourd'hui, toutes les machines ont au moins un port USB, alors que le FireWire est devenu quasiment introuvable, et le Thunderbolt encore loin d'être généralisé. Miser sur l'USB est un gage de pérennité, et t'évitera de longues prises de tête le jour où tu voudras changer de machine.

Presonux Audiobox USB, un classique du marché de l'occasion

Ensuite, pas besoin d'aller chercher une bête de course avec des entrées/sorties dans tous les sens si ce n'est que pour enregistrer une guitare de temps en temps. Il vaut mieux partir sur une petite Presonus Audiobox ou Focusrite Scarlett 2i2 (facilement trouvables d'occasion d'ailleurs), quitte à la revendre le jour où tu auras besoin de plus gros, plutôt que se prendre directement une Scarlett 18i20 "au cas où", l'utiliser à 10% de ses capacités et donc finalement claquer 300€ de trop pour rien...

Focusrite Scarlett 18i20, pour les gros gourmands en entrées/sorties

Niveau marques, j'ai un petit faible pour les Focusrite (série Scarlett en USB) : le rapport qualité/prix est top, l'ergonomie est bonne, et elles fonctionnent pour la plupart sans problème aussi bien sous Windows, MacOS que... Linux !

Côté soft

Enfin, un petit mot rapide sur les logiciels de DAW du marché : je ne vais pas tous les énumérer, ils sont bien trop nombreux, mais voici en gros les principaux :

Maintenant, lequel choisir ? Aucun de ceux-là, pardi ! En tant qu'indécrottable linuxien, je ne peux que te recommander Ardour, qui a le bon gout de tourner sous Linux et MacOS, et sans doute Windows dans un futur pas trop lointain.

C'est un logiciel libre, que tu peux donc te procurer gratuitement si tu le souhaites (même si je t'encourage fortement à donner quelques euros pour en soutenir le développement), et c'est néanmoins un DAW complet que peux utiliser pour enregistrer, mixer, masteriser et exporter tout type de production, du simple sample vite fait à l'album complet.

Malgré une interface moins classe que ses concurrents, il offre énormément de souplesse, et reste compatible avec les plugins AU (Mac only), VST et LV2, avec la limitation que les VST Windows ne sont bien sur pas utilisables...

Et ensuite ?

Maintenant que tu es bien équipé, il va falloir apprendre à te servir de tout ce beau monde ! Ce sera bien sur plus rapide avec les enregistreurs tout-en-un qu'avec un setup MAO complet, mais les possibilités ne sont pas les mêmes. Ce sera aussi à prendre en compte avant de faire ton choix.

Je te laisse donc expérimenter de ton côté, et je reviendrai dans le prochain article te parler plus en détails des techniques d'enregistrement pour la guitare, avec notamment un petit focus sur les micros généralement utilisés.

A bientôt !

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