L'enregistrement des guitares (2/3)

Photo © Travis Estell - Licence CC BY-NC-SA 2.0

Maintenant qu'on a vu les bases, on va détailler un peu plus l'aspect technique de la chose. Et comme on cherche à faire une bonne prise de son, il va nous falloir au moins un micro, je te propose donc de commencer par un petit topo sur ceux-ci.

Les micros pour la prise de son

Pour commencer, il faut bien comprendre qu'il existe différentes familles de micros, chacune avec ses points forts, mais aussi ses inconvénients.

Les micros dynamiques, les plus répandus, réputés polyvalents et solides, et souvent bon marché. Ce sont donc les micros les plus utilisés sur scène, mais certains dynamiques gardent une place de choix même en studio.

Les micros statiques, nécessitant une alimentation fantôme, sont connus pour le niveau de détail qu'ils peuvent apporter au son : ils sont en effet particulièrement bons dans les aigus, et ont donc un son plus brillant que les autres types de micros. En contrepartie, un statique utilisé seul peut sonner un peu "froid". Plus sensibles que les dynamiques, et souvent chers, on évite généralement de les utiliser sur scène, sauf dans quelques cas particuliers (overheads de batterie, par exemple).

Enfin, les micros à ruban, les plus fragiles, sont eux aussi à réserver au studio. C'est la technologie la plus ancienne, ils ont donc naturellement un son plus vintage que les autres types de micro. En général, les micros à ruban ont des aigus très doux, parfois un peu en retrait, et un bas du spectre rond et chaud.

Les dynamiques

Évidemment, comment parler de micros pour la prise de son guitare sans évoquer le fameux Shure SM57 ? Ce micro est LA référence dans ce domaine, présent sur quasiment toutes les scènes et studios du monde : suffisamment polyvalent pour être utilisé dans la plupart des styles, et avec une légère bosse dans les haut-mediums permettant à la guitare de se frayer naturellement un chemin au milieu du mix.

Il ne sera bien sur pas optimal dans toutes les situations, mais il fournit en général un son largement exploitable. S'il fallait n'en conseiller qu'un, ce serait celui-là !

En principal challenger, on trouve le Sennheiser E906 (et son petit frère le E609, un peu moins cher), plus neutre, mais aussi plus détaillé dans le haut du spectre. C'est une bonne alternative si la personnalité marquée du SM57 te chagrine, ou pour équilibrer un son trop porté sur les mediums.

À noter que ce micro dispose d'un switch permettant de booster ou, au contraire, adoucir les aigus. Ceci dit, aujourd'hui, il est tout aussi efficace d'insérer un plugin d'EQ sur la piste en question, et cette manipulation à l'avantage d'être réversible.

Au rayon des micros dynamiques, on notera aussi le Sennheiser MD421 (plus typé vintage), le Electo-Voice RE20 (son très rond) ou encore l'outsider Audix i5, qui semble jouer dans la même cour que le SM57.

Note : les dynamiques ont en général une directivité cardioïde, c'est à dire qu'ils prennent le son qui se trouve devant la capsule, et un peu sur les côtés.

Les statiques

Grand classique de chez Neumann, le U87 est une référence qu'on trouve dans tous les studios dignes de ce nom ! Malheureusement, le prix de ce micro est à la hauteur de sa réputation, et 2 mois de SMIC suffisent à peine à se l'offrir...

Comme beaucoup de statiques à large membrane, il offre le choix entre plusieurs directivités (cardioïde, omnidirectionnel ou figure en 8 - prend le son devant et derrière le micro, mais pas sur les côtés), ainsi qu'un pad -10dB et un coupe-bas, switchables tous les 2.

Une autre grosse référence est l'AKG C414, disponible en 2 versions, différant uniquement par la capsule utilisée : le XLII et le XLS, un peu moins cher.

A l'instar du U87, ce micro propose plusieurs directivités (cardio, omni et 8, avec pas moins de 6 positions intermédiaires !), un coupe-bas avec 3 fréquences au choix (40, 80 et 160Hz), ainsi qu'un pad, réglable lui aussi (-6, -12 et -18dB).

Les statiques à large membrane comme ceux présentés ici forment une base de choix pour les amateurs de DIY : nombre de micros d'entrée de gamme reprennent le design et parfois le circuit de micros célèbres (U87, C12, etc...) en y mettant des composants low cost. On peut alors en changer la capsule, voire carrément le circuit pour un résultat excellent à moindre cout (compter quand même 300€ minimum au total, mais ça reste donné par rapport à un "vrai" U87 ou assimilé).

Les rubans

La Rolls des micros à ruban, le Royer R-121 peut faire des merveilles dès lors qu'il s'agit d'enregistrer une guitare ! Le son est doux et chaud, ce qui fonctionne particulièrement bien sur des guitares crunch voire carrément saturées. À noter que les rubans ont généralement, de par leur construction, une directivité en 8, ce qui est le cas pour ce bijou.

Par contre, comme tous les micros de ce type, il est très fragile et doit être manipulé avec précaution : pas question de le déplacer brusquement, le simple souffle de l'air peut suffire à déchirer le très fin ruban d'aluminium (moins de 5 microns d'épaisseur !) qui lui permet de capter le son. Pour les mêmes raisons, on évitera de le placer droit comme un "i", mais on l'inclinera de 30 à 45 degrés en direction du HP, afin d'éviter que le ruban soit parallèle au plan du baffle.

On termine avec mon chouchou, qui est aussi l'un des plus abordables de tous ces micros "haut de gamme" : le Beyerdynamic M160 ! Il présente une particularité très intéressante pour un micro à ruban : le M160 a une directivité hypercardioïde, ce qui permet d'éviter la repisse intempestive, de minimiser l'acoustique de la pièce en close-miking, et lui permet également de profiter de l'effet de proximité (plus le micro est proche du HP, plus les basses sont présentes).

C'est un micro qui sonne fabuleusement bien et pour lequel il n'existe à ma connaissance aucun équivalent sur le marché. Son prix est également très raisonnable au vu de sa qualité, bien que je n'aie toujours pas réussi à me le payer ;) (compter tout de même 500€ pour la bête).

Et là, je ne résiste pas au plaisir de te montrer ce reportage, réalisé par Audiofanzine, sur l'usine Beyerdynamic en Allemagne. En particulier, on peut y voir la fabrication du M160 à partir de 9:25 :

On peut aussi trouver des micros à rubans tout à fait corrects parmi les marques low cost, mais c'est un peu la loterie : le micro peut être bien réglé, mais il peut arriver que la tension du ruban soit mauvaise, ce qui aura vite fait de pourrir le son. Il est théoriquement possible de remplacer soi-même le ruban, mais c'est une opération extrêmement délicate, comme tu l'as vu dans la vidéo ci-dessus, et qui nécessitera surement de nombreuses tentatives avant d'arriver à un bon résultat. À ne tenter que sur des micros peu chers et dont tu peux te passer, donc !

Enfin, il y a aussi la possibilité d'assembler un micro à ruban "en kit" : c'est ce que propose DIY Audio Components pour la modique somme de 200€ ! (hors TVA et transport, mais il y a parfois des promos intéressantes)

Pour ce prix, tu as le corps du micro, le moteur avec son ruban déjà monté et réglé, et un petit transfo. Le montage ne nécessite de faire que quelques soudures (5 ou 6 grand max), de faire rentrer le tout dans le corps et de serrer 4 vis !

Et comment donc que ça sonne ?

Je ne m'attarderai pas sur le principe de la prise de son "traditionnelle", que j'ai détaillé dans mon précédent article. Je me contenterai donc d'illustrer les possibilités et la difficulté inhérentes à cette méthode grace à plusieurs extraits sonores, tous enregistrés chez moi avec du matériel que je qualifierais de très correct pour un amateur : interface Focusrite Scarlett 18i20, micros Shure SM57, Rode NT1 (statique) et le RM-5 de DIY Audio Components (ruban). Aucun traitement (EQ, compresseur, reverb, etc...) n'a bien sur été ajouté, hormis une normalisation du volume.

Pour chacun de ces micros, j'ai réalisé 2 prises  :

On commence donc avec le SM57 :

Ensuite, voici le NT1 :

Et on termine avec le RM-5 :

Enfin, on peut aussi combiner 2 prises avec des micros/placements différents, afin de garder les points forts de chacun et avoir au final un rendu plus équilibré. Dans le cas suivant, j'ai utilisé :

Attention toutefois avec cette technique : avec des distances différentes par rapport au HP, le son arrivera sur l'un des micros un peu plus tard que sur le 1er, introduisant ainsi un déphasage qui peut altérer le son de façon importante ! Pour éviter cet effet indésirable, il te faudra donc probablement recaler les différentes prises pour t'assurer qu'elles soient bien synchrones, et ainsi éviter tout problème de phase.

Voici donc les pistes séparées, dont tu conviendras facilement, je suppose, qu'elles ne sont pas utilisables seules :

Le résultat, une fois les pistes mixées sommairement, mais non recalées :

On entend bien que le son est très creusé, pauvre en mediums, avec un effet de phase assez désagréable, le fameux "filtre en peigne". Dans ce cas, le son arrive au NT1 environ 2ms après avoir atteint le RM-5. Après recalage, voici donc ce qu'on obtient :

Toutes ces prises ont été effectuées en moins d'une heure, dans une pièce pas franchement étudiée pour, le résultat est donc très moyen. Mais j'espère que ça te donnera une bonne idée de l'étendue des possibilités qu'offre cette méthode, et accessoirement du temps et de la patience qu'elle peut demander ;)

Une alternative moderne ?

Tu auras bien compris que la prise de son traditionnelle n'est pas le truc le plus évident à réaliser : entre le choix du ou des micros, leur placement et les potentiels problèmes de phase, on finit vite par s'arracher les cheveux, sans parler du coût de l'opération !

Dans le prochain article, je te parlerai donc d'une méthode moderne d'enregistrement, grace à laquelle on peut simuler une prise de son extrêmement convaincante sans avoir à brancher un seul micro !

Stay tuned ;)

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