Dans la jungle des impédances

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Photo © Jonathan Cohen - Licence CC BY-NC 2.0

Le sujet que j'avais prévu de traiter cette semaine était un peu ambitieux, je vais donc faire le point sur un problème épineux auquel tout musicien est confronté un jour ou l'autre : les impédances !

Impédance d'un signal

La semaine dernière, on a vu que l'impédance est avant tout un moyen pour exprimer la "résistance" d'un composant en fonction de la fréquence du signal qui le traverse.

Mais le concept d'impédance s'applique aussi à un signal : il décrit la capacité de la source à fournir du courant, ou la tendance du récepteur à consommer du courant, selon qu'on parle d'impédance de sortie ou d'entrée.

Chaque équipement dans la chaîne du signal est donc caractérisé par une impédance d'entrée s'il possède une entrée, et une impédance de sortie s'il possède une sortie. Une guitare possède uniquement une sortie, donc on ne parlera que de son impédance de sortie, alors qu'une pédale ou même un ampli possèdent les 2.

L'impédance d'entrée

L'impédance d'entrée d'un système électronique peut être calculée comme l'impédance équivalente à l'association des différents composants passifs présents entre l'entrée du système et le premier composant actif (transistor, lampe, ampli-op/AOP...). En pratique, il s'agit généralement de calculer la valeur équivalente de quelques résistances en parallèle, comme on peut le voir dans cet exemple :

Du point de vue du signal, R2 et R3 sont en parallèle : en effet, la ligne d'alimentation et la masse sont reliées par un condensateur C2 de 100µF, qui est très efficace pour bloquer le courant continu et filtrer la tension d'alimentation, mais qui se comporte comme un fil pour le signal audio (son impédance vaut 80Ω à 20Hz, ce qui est déjà peu, et elle ne fait que diminuer quand on monte en fréquence). Pour le calcul de l'impédance d'entrée, on peut donc remplacer R2 et R3 par une unique résistance de 1,1M.

Cette résistance Req forme donc un filtre passe-haut avec C1 avec une fréquence de coupure à 1,44Hz. En clair, on ne coupe absolument rien dans le domaine audio, et ce condensateur ne sert qu'à empêcher qu'une tension continue ne remonte jusqu'à la guitare. C1 se comporte donc comme un fil, et on retrouve R1 en parallèle de Req, ce qui nous donne la résistance équivalente Rin de valeur 524k.

Important : Les 2 schémas précédents ne sont que des simplifications du 1er, utilisés uniquement pour calculer l'impédance d'entrée ! Il est évident que ceux-ci ne doivent pas être pris en compte pour assembler le circuit !

On pourrait penser que l'impédance d'entrée du système vaut donc 524k et s'arrêter là. Mais l'AOP a lui aussi une impédance d'entrée dont il faut tenir compte ! Et c'est très bien, puisque ça me donne l'occasion de faire une petite digression pour te présenter tes nouveaux meilleurs amis : les datasheets !

Sous ce nom barbare (mais tout de même moins pompeux que "spécification technique") se cache une famille de documents, édités par tous les constructeurs de composants électroniques, et donnant toutes les données techniques permettant de concevoir des circuits utilisant ces composants. On a donc un datasheet par référence de composant (ou famille si ses membres ont des caractéristiques identiques), en général librement téléchargeable sur le site du constructeur, donnant toute une série d'informations comme les tensions max d'utilisation du composant, sa consommation, sa bande passante, et bien d'autres choses...

Dans le cas qui nous intéresse, on va regarder de plus près les datasheets de 2 AOP différents :

Les valeurs sont présentées sur 3 colonnes, qui donnent respectivement la valeur minimale du paramètre, sa valeur habituelle et sa valeur maximale (les 3 valeurs ne sont pas toujours indiquées).

Comme on s'intéresse à l'impédance d'entrée d'un circuit, on va donc regarder sur nos 2 datasheets la valeur habituelle de la résistance d'entrée (\(r_i\)) pour les 2 AOP choisis : ça passe de 100kΩ pour le NE5534 à 1TΩ (oui, téra-ohms, soit 1000000MΩ !) pour le TL071. Cette résistance d'entrée se retrouvant en parallèle de Rin calculée précédemment, on obtient donc la valeur réelle de l'impédance d'entrée de notre système :

On réalise donc déjà que le choix d'un seul composant peut modifier totalement le fonctionnement d'un système : dans le cas du TL071, l'impédance d'entrée est déterminée par tout le circuit, alors que le NE5534 fixe sa valeur presque à lui seul. Accessoirement, on se rend compte que si on a besoin d'une forte impédance en entrée en utilisant un AOP, on choisira plutôt un TL071 qu'un NE5534.

L'impédance de sortie

Le principe reste plus ou moins le même que pour le calcul de l'impédance d'entrée : il s'agit de calculer l'impédance équivalente au circuit que traverse le signal avant de quitter l'équipement. Toutefois, selon les cas, les données peuvent être plus difficiles à rassembler :

Trop facile !

Pour le cas simple, voici ce que pourrait être la sortie du circuit présenté plus haut :

Le datasheet du NE5534 indique une impédance de sortie (\( Z_o \), page 5) de 0,3Ω. Les conditions correspondantes sont particulières, mais dans l'ensemble, pour nos applications audio, l'ordre de grandeur est le même. On considère donc en général que l'impédance de sortie d'un AOP est nulle, ce qui nous arrange bien ;)

C3, comme C1 dans l'étage d'entrée, ne sert qu'à bloquer la tension continue présente en sortie de l'AOP : son impédance est faible (800Ω à 20Hz, 16Ω à 1kHz et 0,8Ω à 20kHz) et, au passage, le filtre passe-haut qu'il forme avec R5 a une fréquence de coupure < 2Hz.

R5 n'étant pas "sur le trajet" du signal (il ne la traverse pas), on n'en tient pas compte dans le calcul de l'impédance de sortie, il ne nous reste donc que R4 et C3. Ces 2 composants étant en série, leurs impédance s'ajoutent, et l'impédance de sortie de notre montage varie donc entre 900Ω à 20Hz et 100Ω à 20kHz.

Note : Dans la plupart des cas, l'impédance (sur la bande audio) d'un condensateur de liaison comme C3 est tellement faible par rapport aux autres impédances du circuit qu'elle est simplement ignorée ; ici, j'ai utilisé un AOP et ajouté R4, une résistance inutile de faible valeur, juste pour montrer que ce n'est pas toujours le cas... Je sais, je suis fourbe !

Ça se corse...

Là où les choses se compliquent vraiment, c'est quand on s'intéresse à une source complexe comme un micro magnétique. Du point de vue de la construction, ça semble certes assez rudimentaire (une bobine de fil de cuivre enroulée autour d'un aimant), mais c'est un casse-tête à définir électriquement !

Si tu as déjà envisagé de changer les micros de ta gratte, tu es sûrement déjà familier avec la résistance du bobinage, qui est une donnée fournie par quasiment tous les fabricants de micros : comme on a une grande longueur de fil, et qu'un fil de cuivre a une certaine résistivité (la résistance par mètre de fil), au bout d'un moment la résistance du fil lui-même devient tout à fait significative (entre 5k et 20k pour les micros guitare).

Mais un micro guitare, c'est bien plus qu'un long fil :

On peut donc créer un circuit équivalent (du point de vue de l'impédance) à un micro guitare en plaçant en série une résistance (la résistance du fil de cuivre), une inductance (la bobine) et un condensateur en parallèle de tout ce petit monde (la capacité parasite) :

Si on commence à chercher une formule pour calculer facilement l'impédance en fonction de R, L et C, on voit vite qu'on va y passer la nuit (au moins) ! Mais comme il m'arrive exceptionnellement d'être sympa, je t'ai préparé un tableau LibreOffice qui te permettra de visualiser l'impédance de sortie d'un micro en fonction de ses valeurs de résistance, inductance et capacité parasite :

L'exemple que j'ai choisi de représenter est un humbucker vintage type "PAF" : sa résistance est de 10k, son inductance de 5H et sa capacité parasite de 150pF. On voit ainsi clairement que l'impédance d'un tel micro est égale à sa résistance en continu et dans les très basses fréquences, mais que celle-ci augmente ensuite rapidement jusqu'à un maximum (ici, 100k, soit 10x la valeur de la résistance !) avant de redescendre. La fréquence du maximum est appelée fréquence de résonance, et elle se situe ici un peu en dessous de 6kHz, ce qui est cohérent pour ce type de micros.

A noter que, malheureusement, la plupart des fabricants ne fournissent que la valeur de résistance de leurs micros, ce qui donne simplement une vague idée de la puissance dudit micro, mais sans certitude (en partant du principe que plus il y a de tours, plus le niveau de sortie est élevé, mais plus la résistance est élevée aussi -- ce qui n'est pas toujours aussi simple). Seymour Duncan a le bon gout d'indiquer les fréquences de résonance de bon nombre de ses modèles, ainsi que les inductances des micros pour la gamme Antiquity, mais ça reste léger quand on cherche à modéliser le comportement d'un micro...

Le problème de l'adaptation d'impédance

Si on se préoccupe autant des impédances d'entrée et de sortie de nos équipements audio (enfin, sauf les guitaristes, mais ils devraient), c'est parce que se pose le problème suivant :

Dans ce schéma, je sépare le générateur (instrument, lecteur audio, préampli...) et le récepteur (ampli, console, interface audio...) de leurs impédances respectives de sortie et d'entrée, notées Zo et Zi, de façon à bien montrer l'influence de celles-ci : en effet, Zo est considérée en série avec le signal, et Zi est en parallèle de l'entrée du récepteur.

Et là, on reconnaît le fameux diviseur de tensions, qui aura donc toujours pour effet d'atténuer notre précieux signal, qu'on cherche justement à garder intact, du moins autant que possible... On doit donc s'arranger pour que cette atténuation soit minimale.

Préservation du niveau du signal

Si les impédances sont purement résistives (ou pas loin), celles-ci sont identiques sur toute la plage de fréquences qui nous intéresse. On se retrouve donc dans le cas du diviseur de tensions classique, où le niveau d'atténuation du signal est donné par :

$$\frac{Zo}{Zo + Zi}$$

Il faut donc que Zi soit beaucoup plus grande que Zo pour que l'atténuation soit la plus légère possible.

On considère généralement que Zi doit être au moins égale à \(10 * Z_o\) (ce qui correspond à une atténuation de 9% de l'amplitude du signal, ou encore -0.8dB) pour garantir une préservation suffisante du niveau du signal.

Dans le cas de notre étage d'entrée vu au début de cet article, ça veut dire que l'impédance de sortie de la source devra être au maximum de :

Préservation de la bande passante

Avec des impédances résistives, le raisonnement est donc assez simple, et la solution facilement trouvée. Un autre problème se pose avec des impédances variables, par exemple une impédance d'entrée capacitive. L'étage d'entrée d'un équipement audio a généralement une impédance d'entrée résistive, mais pour y arriver il reste un maillon à ajouter dans la chaîne : le câble !

Or un câble audio n'est jamais parfait : étant composé de fils de cuivre, il a une certaine résistivité. De plus, quand il contient plusieurs conducteurs (souvent signal et blindage), il se forme une capacité parasite entre eux. Quand on insère un cable entre une source et un récepteur, on peut donc représenter sa résistance et sa capacité ainsi :

La résistivité d'un câble est suffisamment faible pour être ignorée (autour de 50Ω/km, soit 0,5Ω pour un câble de 10m), en revanche la capacité entre conducteurs est très importante ! A titre d'exemple, pour un très bon câble guitare, celle-ci est d'environ 80pF/m (je n'ai jamais trouvé moins). La capacité totale du câble est donc de 400pF pour 5m, et monte à 800pF sur 10m, ce qui est loin d'être négligeable !

Concrètement, si on prend un tel câble de 5m, et que la source a une impédance de sortie de 10k, la capacité du câble va créer un filtre passe-bas avec une fréquence de coupure à 40kHz. Jusqu'ici, tout va bien ! Mais si on prend l'impédance réelle de sortie du micro guitare, on obtient un tout autre résultat :

La courbe rouge représente la capacité parasite du câble. Jusqu'à 2kHz environ, celle-ci est assez grande pour ne pas avoir d'influence sur le signal. Par contre, quand elle croise la courbe de l'impédance de la guitare, leurs valeurs sont égales et le signal est divisé par 2 : dans ce cas, 4kHz représente la fréquence "charnière" pour laquelle on note une atténuation du signal de -6dB ; au-dessus de cette fréquence, les aigus sont encore plus fortement atténués, jusqu'à -11dB à 20kHz.

Et je te rappelle que ces chiffres sont obtenus avec un câble d'excellente qualité !

On voit donc que dans un système complexe (du point de vue électrique hein, on est d'accord que guitare/câble/ampli c'est même plutôt modeste pour le gratteux lambda ;) ), les impédances ont vite fait de modifier la réponse en fréquence du signal initial.

Sensibilité aux parasites

Enfin, un dernier point très important : un signal en haute impédance est beaucoup plus sensible aux parasites (souffle, bruit, ondes radio...) qu'un signal en basse impédance.

On doit donc essayer de garder le signal en faible impédance le plus longtemps possible, et s'il est nécessaire de passer en plus haute impédance, il faut le faire le plus tard possible dans la chaîne !

C'est d'ailleurs le principe qui a mené à la création des premiers micros guitare actifs : le micro lui-même est identique à un micro classique, avec souvent moins de tours qu'un micro passif pour limiter son impédance de sortie. Ce n'est toutefois pas suffisant, et on lui ajoute donc un préampli à transistors, qui permet de baisser l'impédance du signal (et souvent de le booster par la même occasion) pour qu'il puisse arriver jusqu'à l'ampli sans être perturbé par d'éventuels parasites.

Comment faire ?

Il existe heureusement des solutions pour régler tous ces soucis d'impédance (ou du moins la plupart), en voici quelques unes :

Sur scène

En concert, et à plus forte raison si la scène est grande, on cumule souvent plusieurs sources de "problèmes" : des micros souvent passifs, un pedalboard bien fourni, de longs câbles, et un environnement pas vraiment "clean" niveau parasites.

Utilise le bon câble

Cette remarque est bien sur valable tout le temps, mais elle est encore plus importante sur scène en raison des longueurs de câble utilisées.

Il faut donc s'assurer d'utiliser des câbles de la meilleure qualité possible, et ne pas exagérer sur les longueurs nécessaires (10m ne seront peut-être pas suffisants sur la Main Stage du Hellfest, mais pour un petit bar 3m feront bien l'affaire).

Tous les fabricants sérieux indiquent sur leur site la résistance kilométrique et la capacité métrique de chacun de leurs câbles, il ne faut donc pas hésiter à te renseigner avant achat. Pour info, Klotz, Mogami et Sommer Cable proposent tous 3 de très bons produits, adaptés à chaque utilisation.

Un bon système HF peut aussi être une bonne alternative : la longueur de câble nécessaire ne dépasse pas 1m, sa capacité parasite est donc négligeable. Si tu choisis cette voie, n'hésite pas à y mettre le prix pour être tranquille (bien que Line6 fasse des produits tout à fait corrects et abordables dans ce domaine).

Buffer

Nous y voilà ! Sujet de discorde sur de nombreux forums de guitaristes, certains disent qu'il est indispensable, d'autres qu'il bouffe le son, et entre les 2 on peut lire tout et n'importe quoi...

Concrètement, qu'est-ce qu'un buffer ? C'est un petit équipement, bien plus petit qu'une pédale d'effet (on en trouve d'ailleurs intégré à de nombreuses pédales du marché), qui a pour seule fonction d'avoir une impédance d'entrée élevée et une faible impédance de sortie. C'est tout !

En le plaçant assez tôt dans la chaîne (on peut même l'intégrer directement sur la guitare, dans la cavité des potars), on évitera de subir les inconvénients liés à l'utilisation de trop longs câbles. Par contre, grâce à sa faible impédance de sortie, on pourra sans problème utiliser, pour aller à l'ampli, un câble de 30m ou plus sans que le son en soit altéré.

Un buffer placé juste après la guitare permet donc de conserver le son "pur" sortant de l'instrument. Et pour certains, c'est justement le problème : si tu es habitué à jouer avec une ribambelle de longs câbles, leur interaction avec les micros de ta guitare est forte et atténue les aigus de façon audible. Alors qu'un bon buffer situé après une faible longueur de câble ne modifiera pas le signal , qui te semblera alors beaucoup plus agressif que d'habitude !

Le problème ne vient donc pas du buffer, mais du guitariste habitué à jouer avec un signal dégradé !

Enfin, côté électronique, le buffer est un circuit extrêmement simple, voire simpliste : tu en as déjà vu tous les éléments quand on parlait des impédances d'entrée et de sortie ;)

Le circuit étudié avait une impédance d'entrée de 524k avec une TL071 (on oublie le NE5534 pour la guitare), ce qui est bien, mais pas top... Pour une impédance de sortie (de la guitare) max autour de 100k, il vaut mieux tabler sur 1M minimum en entrée, ce qu'on peut obtenir en supprimant R1 dans le premier schéma : cette résistance sert à éviter d'avoir de gros "plocs" quand on met une pédale dans ou hors de la chaîne audio via le footswitch ; un buffer n'est pas destiné à être bypassé, donc sans switch, on n'a plus besoin de R1. R2 et R3 restent donc seules pour déterminer l'impédance d'entrée, qui passe à 1,1M, parfait pour une utilisation avec une guitare donc !

On peut optimiser également la sortie en virant R4 et en augmentant la valeur de C3 pour diminuer l'impédance dans les basses fréquences ; à ce niveau, ça s'appelle "chipoter pour pas grand chose" puisque l'impédance de sortie du buffer est déjà bien assez basse, d'autant qu'une guitare ne descend pas en-dessous de 80Hz en accordage standard. Le schéma complet du buffer est donc le suivant :

En studio

En studio, on peut généralement se payer le luxe d'utiliser des câbles assez courts (mais toujours de bonne qualité hein, pas de blague !), donc un buffer est à priori moins utile.

Mais si tu insistes pour jouer au guitar hero et enregistrer avec 5 amplis en même temps, tu auras donc 5 étages d'entrée en parallèle au bout de ton câble. Et donc 5 impédances d'entrée. Et donc 5 résistances de 1M en parallèle. In fine, l'impédance "vue" par la guitare ne sera que de 200k, ce qui est bien insuffisant, et le buffer fera alors son grand retour !

Mais le problème le plus intéressant à étudier reste celui qui se pose quand on veut enregistrer la guitare brute, sans effets ni amplis, par exemple dans une optique de réamping.

On doit évidemment symétriser le signal (si tu ne vois pas à quoi ça correspond, ce n'est pas bien grave pour le moment, j'y reviendrai sans doute dans un prochain article) avant d'attaquer les préamps/convertisseurs. Mais surtout, un préamp de studio ayant une impédance d'entrée de 1,5k à 2,2k, on ne doit surtout pas y brancher directement la guitare, qui ne sonnerait pas du tout dans ces conditions.

On doit donc utiliser une boite de direct, ou DI, dont le rôle est à la fois la symétrisation du signal et l'adaptation d'impédance. Les DI sont réparties (en gros) en 2 catégories :

Les DI passives utilisent généralement un transfo avec un rapport autour de 10:1, ce qui veut dire que :

Note : Un de ces 4, je te parlerai des étages de puissance à lampes. J'aurai alors tout le loisir de t'expliquer pourquoi le rapport de transformation d'impédance d'un transfo est égal au carré du rapport de transformation en tension, mais pour l'heure, cet article est déjà bien assez long.

Avec une impédance vue par la guitare comprise entre 150k et 220k, on comprend bien qu'une DI passive n'est absolument pas adaptée à une guitare/basse équipée de micros passifs. Sauf, bien sur, si on utilise un buffer en amont ;)

A contrario, les DI actives renferment un circuit électronique chargé de présenter une impédance élevée à la guitare : en clair, le buffer est intégré à la DI. Plus besoin de se prendre la tête donc, il suffit de brancher et de jouer.

Il faut toutefois se méfier : l'impédance d'entrée des DI actives n'est pas forcément adaptée à la guitare ! J'ai eu l'occasion d'en démonter une et de constater que son impédance d'entrée pouvait, dans certains cas, être de l'ordre de 220k...

Dans tous les cas, si tu n'es pas sur de la présence d'un buffer dans l'équipement que tu dois utiliser, ou de sa qualité, il vaut mieux en avoir un sur soi, prêt à dégainer en cas de besoin !

Il n'y a pas de remède miracle !

Il y a des cas où le buffer serait plus un problème qu'une solution : parfois, le fait qu'un équipement sonne magnifiquement bien est un accident. Une aberration technique, en quelque sorte. Tout ça parce que son concepteur ne connaissait pas assez bien les micros guitare pour tenir compte de leur impédance variable (ou qu'il s'en foutait).

L'exemple que le plus frappant est le Rangemaster, un "treble booster" utilisant un transistor au germanium. Cet effet ajoute une énorme présence dans les mediums, mais paradoxalement il adoucit très nettement les aigus. En voici le schéma :

Schéma par Fuzz Central - Tous droits réservés

Sans s'occuper du transistor, on peut déjà voir que l'impédance d'entrée est donnée par 2 résistances : 470k et 68k. Comme indiqué en début d'article, celles-ci, du point de vue du signal, sont mises en parallèle via le condensateur de 47µF, qui se comporte comme un fil dans la bande de fréquences audio. L'impédance d'entrée de cette pédale est donc de 59k au maximum ! (je laisse volontairement de côté l'impédance d'entrée du transistor pour ne pas compliquer le raisonnement, mais elle n'arrange pas les choses, notamment à cause de la capacité parasite de ce type de transistor)

Le signal traverse également un condensateur de 5nF, dont l'impédance s'ajoute donc à l'impédance de sortie de la guitare quand le signal arrive jusqu'à la partie active du montage. A ce stade, l'impédance du signal a donc la forme suivante (courbe rouge) :

On voit donc que l'impédance du signal est très élevée dans les basses fréquences, puis diminue jusqu'à un premier minimum de 70k autour de 1kHz. Elle augmente ensuite jusqu'à 100k à la fréquence de 4kHz environ, avant de baisser encore.

Si on part du principe que l'impédance d'entrée du circuit actif est de 60k, il se passe donc les choses suivantes :

La courbe de réponse du signal arrivant au transistor serait donc la suivante :

On voit donc une belle bosse à 1kHz suivie d'un creux à 4kHz, conformément à l'allure de la courbe d'impédance, et c'est là le secret du son si fabuleux du Rangemaster !

Si maintenant tu mets un buffer en amont, l'impédance de sortie de la guitare, en quelque sorte "masquée" par le buffer, ne va plus du tout interagir avec l'impédance d'entrée de l'effet : la courbe sera celle d'un passe-haut tout à fait classique, sans creux ni bosses. Le son semblera donc acide, agressif et sans corps, bref, tout le contraire de l'effet recherché !

Dans ce cas, le buffer doit être placé après le Rangemaster (ou tout autre effet similaire, le germanium en général s'utilise sans buffer), et on ne peut pas non plus utiliser de micros actifs ou de système HF.

Pfiouuu...

On arrive enfin au bout de ce (très) long article, en espérant avoir réussi à démystifier les histoire d'impédance. Il y a évidemment des simplifications dans le lot, mais dans l'ensemble j'espère avoir trouvé un bon compromis entre accessibilité et exactitude.

Comme d'hab, n'hésite pas à m'indiquer si j'ai dit des conneries, si j'ai oublié des choses importantes, si c'était trop long/chiant, etc...

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